samedi 26 novembre 2011

La psychanalyse est un animal de compagnie

Depuis quelques mois, la psychanalyse est devenue mon chaton. J'y penses souvent, j'en prends soin, elle est là, toujours dans un coin à miauler doucement, à me rappeler qu'elle existe, qu'il faut la nourrir, la caresser et la câliner. Elle est fragile et pas toujours très autonome mais elle est aussi sauvage et quelque fois indifférente. En tous cas, elle es tout le temps là dans un coin de la pièce, dormante ou agitée.


Un coucher de soleil au-dessus des nuages.

mercredi 16 novembre 2011

Solitude


Pit et moi sommes partis pour une semaine en Allemagne, à l'Akademie Schloss Solitude où il est invité. Cela me fait un drôle d'effet d'être entourée de (jeunes) artistes. Des gens de mon âge, qui passent leur journée à créer des musiques avec des bruits d'ordinateur, à dessiner, peindre, filmer, écrire... avec une apparente facilité qui me déconcerte. C'est à la fois motivant et effrayant, fertile et inhibant. J'ai l'impression qu'ils n'ont aucune difficulté à se définir "artiste" (moi j'ai déjà bien du mal à me dire journaliste), à agir comme des artistes, à penser comme des artistes. A se sentir légitimes dans ce rôle. Je les envie.

J'avais une mission toute fraîche. Cela signifiant une nouvelle agence, un nouveau sujet sur lequel travailler, une bonne dose de travail pour ces prochaine jours et aussi un peu d'argent. J'étais enthousiasmée par la nouveauté plus que le travail en lui-même. Et puis finalement, ça ne s'est pas fait, je ne correspondais pas. Je n'ai pas su cerner leurs attentes. Je n'avais pas vu cette éventualité arriver, j'ai été présomptueuse. 
C'est un petit coup à l'ego et aussi au compte bancaire bien sûr. Mais dans le fond, c'est aussi un soulagement. Je suis tout à coup plus libre de faire ce que je veux de cette semaine. Plus libre et donc plus angoissée. 
J'écris et je dessine peu ces dernier temps, mais il me semble que quelque chose se résout doucement en moi. La psychanalyse et mes lectures m'aident. Une urgence se dessine, j'essaie de créer l'évidence, de me débarrasser de tout ce qui me bloque, de tous les renoncements que j'emporte avec moi depuis des années.

La nuit tombe vite ici et l'air est glacial (ça change de la douceur de Nantes), mais tout me semble beau et idyllique.


vendredi 11 novembre 2011

L'Ange du foyer





"Celle qui deviendra schizophrène est déjà double, comme le sont jusqu'à un certain point toutes les filles jeunes et jolies : une tête qui pense, un corps qui éblouit. Une tête qui doit penser au corps comme à une chose qui lui est extérieure, étrangère. Une Zelda [Fitzgerald] qui doit surveiller l'autre : pour plaire."

"Il faut lire et relire sa célèbre description de l''"Ange du foyer", cette femme idéale ("excessivement sympathique", "absolument charmante" et "parfaitement altruiste"), ce modèle d'abnégation féminine, ce parangon de pureté qui, lorsque Virginia s'est mise à écrire, a fait mine de guide sa plume :

Je me suis jetée sur elle et l'ai prise à la gorge. J'ai fait de mon mieux pour la tuer. Mon excuse, si je devais comparaître devant un tribunal, serait d'avoir agi en état de légitime défense. SI je ne l'avais pas tuée, et m'aurait tuée. Elle aurait crevé le cœur de ce que j'écrivais.

L'"Ange du foyer" ressemble à s'y méprendre à la propre mère de Virginia Woolf : philanthrope, belle, énergique et généreuse, mère dévouée d'un famille nombreuse, l'image même de la "bonne" féminité à l'époque victorielle en Angleterre/ Or, une femme qui "tue" symboliquement sa mère, à travers l'acte d'écriture ou autrement, se "tue toujours elle-même aussi. Sylvia Plath a fini par le comprendre, et par décrire ses tentatives de suicide comme "une pulsion meurtrière transférée de ma mère sur moi-même". Elle dit aussi : "Ça me fait un bien fou d'exprimer mon hostilité à l'égard de ma mère ; ça me libère de l'oiseau-panique sur mon cœur et sur ma machine à écrire". 

"Les femmes, même lorsqu'elles désirent ardemment devenir des auteurs, sont moins convaincues de leur droit et de leur capacité à le faire. Pour la bonne raison que, dans toutes les histoires qui racontent la création, elles se trouvent non pas du côté de l'auctor (auteur, autorité), mais du côté de la mater (mère, matière)."

Dans Journal de la Création que m'a offert Pit il y a quelques temps, Nancy Huston parle des rapports entre la féminité et l'écriture, invoquant Zelda Fitzgerald, Sylvia Plath, Virginia Woolf, Simone de Beauvoir. C'est absolument passionnant. 

En ce moment, je tue symboliquement ma mère.

jeudi 3 novembre 2011

L'héritage familial

Cela fait maintenant 10 ans que je m'efforce de m'éloigner de ma famille, consciente d'une incompatibilité qui ne peut être résolue autrement. Je constante aujourd'hui que même si j'ai cru à certains moment en être détachée, elle me poursuit littéralement. Même à 800 km, elle est là, son spectre rode au-dessus de moi, me recouvre de son ombre menaçante. 
C'est un constat terrible de comprendre qu'on ne peut pas mettre paisiblement sa famille à distance, sans douleur et sans rupture ; juste en mentant un peu et en vivant dans son coin. Cela ne suffit pas. Parce qu'en réalité, ce qui nous pèse et que l'on fuit est à l'intérieur de nous-même. Dans leurs yeux et leurs bouches il y a l'incompréhension, le regard désapprobateur, et c'est douloureux, ça m'affecte à chaque fois. Mais dans mes yeux aussi, il y a du jugement, le leur, que j'ai soigneusement intériorisé pendant ces dix-huit années de vie commune. Et contre qui toutes mes constructions intellectuelles, tous les kilomètres entre nous, ne peuvent rien.